La Commission européenne veut introduire un échéancier flexible pour la ratification des APE régionaux
D’après nos sources, la Commission européenne (CE) a transmis au Parlement européen un document précisant les étapes que les régions ayant paraphé un APE devront suivre afin de rester couvertes par le règlement 1528 concernant l’accès au marché durant les processus de ratification nationaux des pays ACP.
Le règlement 1528 est l’instrument juridique qui accorde aux pays ACP ayant conclu un APE intérimaire (APEI) un accès temporaire en franchise de droits et sans contingent (EFDESC) au marché de l’Union européenne. Cette disposition a été introduite pour éviter de perturber les exportations durant la mise en œuvre des APEI et durant la poursuite des négociations des APE définitifs. Le règlement 1528 a été modifié en 2011 afin que les pays qui avaient signé un APE intérimaire et dont on estimait qu’ils avaient pris suffisamment de mesures en vue de sa ratification et de sa mise en œuvre puissent être retirés de la liste des pays bénéficiaires, en principe, à compter d’octobre 2014.
À l’époque, cette modification a été largement perçue comme le moyen d’accélérer les négociations autour des APE : les pays devraient soit s’en tenir à leur APEI, soit conclure de nouveaux accords régionaux avant la « date-butoir » pour préserver leurs lignes d’exportation EFDESC vers l’Union européenne.
Depuis, les négociations régionales se sont effectivement accélérées et plusieurs groupements les ont clôturées récemment ou sont en passe de le faire.
Techniquement parlant, il est néanmoins peu probable que les groupements régionaux puissent faire ratifier ces accords au niveau national d’ici le mois d’octobre 2014. Les procédures de ratification des accords commerciaux internationaux varient d’un pays à l’autre, mais supposent parfois le vote d’une loi, ce qui peut prendre des mois, voire des années.
La proposition de la Commission ajouterait les groupements régionaux ayant paraphé un APE régional à la liste des bénéficiaires du règlement 1528 sous la forme d’un acte délégué, sur la base de l’article 2.2 du règlement.
Les dirigeants de la CEDEAO entérinent l’APE ouest-africain
Le 10 juillet 2014, le groupe de négociation de l’Accord de partenariat économique (APE) de l’Afrique de l’Ouest a été le premier à conclure et à entériner officiellement un APE régional avec l’UE après que la 45ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO ait approuvé l’accord négocié, ce qui fait de l’Afrique de l’Ouest la première région à conclure un tel accord. (1)
Comme nous vous l’avions laissé entendre ces derniers mois, un compromis technique avait été trouvé au mois de janvier dernier sur divers points de désaccord, mais le Nigeria avait refusé d’entériner l’APE lors des précédentes Conférences des Chefs d’État et de gouvernement en raison des divers « motifs de préoccupation » que lui inspirait le texte en l’état.
Depuis, des fonctionnaires ghanéens, ivoiriens, nigérians et sénégalais se sont réunis à plusieurs reprises pour analyser les motifs de préoccupation du Nigeria. Ils sont convenus de réviser certaines clauses de l’accord. Ils ont par ailleurs insisté sur diverses flexibilités existant dans le projet d’accord. On ignore si ce dernier, finalisé en janvier, a été amendé pour tenir compte des motifs de préoccupation nigérians.
L’accord intervient au terme de près de dix années de négociations parfois tendues entre l’UE et la CEDEAO – ainsi qu’entre la CEDEAO et ses États membres. C’est l’unité même du groupement africain qui était en jeu et égratignée par certains membres comme le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Nigeria. Les deux premiers tenant absolument à conserver leurs réductions tarifaires héritées des anciennes Conventions de Lomé, tandis que le Nigeria s’inquiétait de signer un accord qui, à son sens, restreignait son espace politique et mettait en danger sa base industrielle.
Cette approbation est de bon augure pour l’intégration régionale de l’Afrique de l’Ouest dans la mesure où l’on a évité la fragmentation. Le gouvernement nigérian semble avoir estimé qu’il valait mieux se rallier à ses voisins régionaux, qui avaient déjà tous accepté le compromis, plutôt que de rejeter un accord envers lequel il émettait de nettes réserves.
Grâce à cet accord paraphé, les exportations ouest-africaines pourront bénéficier des dispositions du règlement 1528 deux années de plus, qui seront mises à profit pour le processus de ratification nationale (cf. supra).
La SADC clôture la négociation de son APE
Le 15 juillet 2014, les négociateurs en chef de l’UE et du groupe SADC ont « paraphé » leur Accord de partenariat économique, faisant de la SADC la deuxième région à conclure un accord régional, après l’Afrique de l’Ouest. (2) Cet accord garantit au Botswana, au Lesotho, à la Namibie et au Swaziland le maintien de leur accès en franchise de droit et sans contingent vers le marché de l’UE et améliore nettement le sort de l’Afrique du Sud tout en préservant la cohérence fonctionnelle de l’Union douanière d’Afrique australe (SACU).
Cet accord s’accompagne d’importantes avancées dans l’amélioration des règles d’origine, censées faciliter le commerce intrarégional et l’industrialisation entre les pays d’Afrique de l’Est et australe. Toutes les questions en suspens ont été résolues, d’après le communiqué de presse.
Aux termes de cet accord, l’Afrique du Sud bénéficiera d’un bien meilleur accès au marché de l’UE qu’au titre du régime commercial actuel (l’Accord sur le commerce, le développement et la coopération avec l’Afrique du Sud, TDCA) puisqu’il y aura un élargissement de l’accès pour 32 produits agricoles, une augmentation des quotas pour le vin, le sucre et l’éthanol et un accès plus favorable pour les fleurs, les produits laitiers et les fruits, entre autres. L’Afrique du Sud et l’UE ont par ailleurs scellé un accord historique sur les indications géographiques qui permettra à l’Afrique du Sud de protéger les appellations de ses vins et d’autres produits du terroir.
Des organes de presse swazi (3) et namibien (4) rapportent que leurs gouvernements respectifs ont pris des mesures immédiates pour parapher et ratifier un APE régional. En Afrique du Sud, le texte devrait être soumis au Cabinet dans les deux prochains mois, après que sa conformité juridique ait été vérifiée par les autorités sud-africaines. (5)
À l’instar de l’Afrique de l’Ouest, le groupe APE de la SADC, en paraphant le texte, conservera son accès au marché de l’UE durant deux ans, en attendant la ratification de l’accord.
Le Cameroun en passe de ratifier son APE intérimaire
Le Sénat et l’Assemblée nationale camerounais ont autorisé le Président Paul Biya à ratifier l’APE intérimaire conclu en 2009, d’après un article paru dans Jeune Afrique. (6)
Dans ces colonnes, nous vous avions rapporté que des journaux camerounais s’étaient déjà fait l’écho de rumeurs dans leur pays selon lesquelles le Président Biya était favorable au bétonnage de l’accord conclu en 2009. Peu après, les ministres du commerce de la région avaient demandé au secrétariat régional d’accélérer les négociations régionales.
La négociation d’un APE pour l’Afrique centrale avançant à pas de tortue, il était néanmoins peu probable que la région puisse conclure à un APE régional complet avant octobre 2014 ou au plus tard à cette date.
On ignore pour l’heure si les négociateurs européens et d’Afrique centrale se sont rencontrés au cours des derniers mois, ou s’ils comptent le faire dans l’avenir.
Quentin de Roquefeuil est chargé de mission politique chez l’ECDPM (c’est la dernière fois qu’il rédige les Dépêches sur les APE pour GREAT insights. Il a en effet accepté un nouveau poste chez SAANA. L’équipe d’ECDPM tient à lui adresser ses remerciements et à lui souhaiter bonne chance dans sa nouvelle carrière.
Notes
6. http://economie.jeuneafrique.com/index.php?option=com_content&view=article&id=22576
Cet article a été publié dans GREAT insights volume 3, numéro 7 (juillet/août 2014)