Le secteur extractif et la société civile environnementale à Madagascar
Qui de l’Alliance Voahary Gasy (AVG) ?
Après les 20 ans de Programme environnemental (1) et au vu du pillage sans précédent des ressources naturelles (trafic des espèces protégées, exploitation illicite des bois précieux, notamment le bois de rose) en 2009, les associations et organisations non gouvernementale (ONG) œuvrant dans le domaine de l’environnement ont décidé de créer une plateforme dénommée « Alliance Voahary Gasy » , avec un objectif « d'établir une société civile environnementale forte, respectée, écoutée et responsable pour contribuer au bien-être des Malagasy grâce à une bonne gestion des ressources naturelles ». Actuellement, 32 associations et ONG en sont membres et sont regroupées pour la gouvernance environnementale autour de quelques thématiques focalisées sur les forêts et aires protégées ; les mines et industries extractives ; les eaux et services écologiques ; le trafic des ressources naturelles ; les écosystèmes marins et côtiers, à travers des chantiers de renforcement des capacités, de réseautage, de plaidoyer/ lobby, de justice environnementale et surtout de la communication.
Dans sa manière de faire, pour assurer pleinement son rôle de vraie société civile, AVG, à travers ces commissions thématiques, a élaboré un document de cadrage politique au vue d’une élaboration d’une vision, dont celui des mines et des industries extractives se repose sur la sécurisation juridique, institutionnelle et économique du secteur, en passant par la sécurisation des investissements, ainsi que la priorisation de la gestion efficace des bases de données et d’informations techniques, juridiques et institutionnelles. Ainsi, AVG pose ses idéaux fondateurs dans la promotion de la bonne gouvernance minière, à travers une vision : « le secteur des Industries extractives est un domaine de bonne gouvernance exemplaire et un moteur de développement socio-économique durable à divers niveaux à Madagascar ».
Quid du secteur extractif à Madagascar
Madagascar n’est pas, initialement, un pays à vocation minière mais vu l’évolution du contexte international conjuguée avec la croissance continuelle de la population (2) et la soif de développement, la grande Ile est devenue un nouvel eldorado des grandes compagnies minières toujours en quête de nouvelles ressources afin de satisfaire les besoins croissants du monde contemporain. Le sous-sol malagasy, surtout la partie occidentale, est riche en mines et minerais (pierre précieuses (3) et d’ornementation, de gemmes et de minerais industriels : chromite, graphite, mica, zircon, ilménite, nickel, fer, titanium, uranium, cuivre, charbon, quartz de fonte et piézo-électrique ...).
Présentement, quelques grands projets miniers sont actifs et/ou opérationnels à l’instar d’Ambatovy pour le nickel et le cobalt, QMM (Qit Minerals Madagascar)/Rio Tinto et Toliara Sands pour l’ilménite et le chrome par KRAOMA (Kraomita Malagasy), d’autres sont en phase gestationnelle comme le fer par WISCO à Soalala, le vanadium/nickel - cuivre / argent - or à Fotadrevo, Vohibory et Ampanihy par Malagasy Minerals, Green Giant Project et Energizer.
Outre les mines, Madagascar est aussi un véritable reliquaire pétrolière que ce soit en offshore qu’en on shore. Environ 17 grandes compagnies pétrolières sont dans nos murs pour la phase exploratoire. Suivant le cas de Tsimiroro (huile lourde) par Madagascar Oil, les recherches se fructifient. En effet, ce dernier projette « d’écouler 55 000 barils sur le marché local, à partir du second semestre de cette année sur une durée de six mois ». « L'huile lourde est plutôt destinée aux industries utilisant des groupes électrogènes en les mélangeant avec du gas-oil. Ce sera vendu au prix couvrant le coût de production et le frais de transport » dixit Stewart Ahmed le directeur général de la compagnie, lors d'une conférence de presse en mois de mai dernier (4). Inspiré par ce fait, le Président Hery Rajaonarimampianina éloge l’entrée de Madagascar parmi les pays producteurs de pétrole comme il le proclame fièrement, lors de la cérémonie marquant la première production de pétrole, à Tsimiroro le 18 juin dernier : « pour la première fois dans son histoire, Madagascar devient un pays producteur de pétrole. Ce rêve qui s’est réalisé est un don de Dieu, et cela représente une fierté due en grande partie prenantes, publiques et privée, dont Madagascar Oil, l’OMNIS et l’ONE » (5).
Madagascar, dans sa position actuelle, est vers un agenda de relance économique. Le développement du secteur minier, une des ressources stratégiques pour l’essor économique et social de Madagascar, est un sujet d’actualité. Outre le Gouvernement central et les sociétés privées, divers partenaires, techniques et financiers, se sont aussi intéressés à ce développement et ont exprimé leurs avis à travers des études et publications. En 2013, par exemple, la Banque mondiale, dans son « Rapport sur l’environnement » (Country environnemental analysis – CEA), a clairement lancé en second message que : « Les ressources naturelles sont un élément déterminant de l’avenir du pays. Le développement humain proviendra de la transformation efficace du capital naturel en capital productif et humain. L’efficacité de cette transformation dépend de la bonne gouvernance des ressources naturelles ».
La délivrance des permis miniers est en suspens due à la récente situation politique de Madagascar. Et la reprise de cette délivrance est très attendue, notamment par le secteur privé et les divers partenaires, suite au dernier salon international des mines organisé les 19 au 21 juin derniers pour la relance du secteur minier. Une politique nationale des mines est alors prévue dans le programme du nouveau ministère auprès de la présidence et des ressources stratégiques, idem aussi pour l’état de lieux des permis.
Tenant compte de tous ces propos et au biais de ces belles promesses, la machine est déjà lancée mais sommes-nous réellement prêts à entrer dans l’ère minière et pétrolière pour le développement de Madagascar et surtout pour le développement humain ?
Société civile : regards et actions
L’Alliance Voahary Gasy, société civile environnementale, a posé ses briques dans la promotion de la bonne gouvernance du secteur à travers son document de politique et sa vision dans la bonne gouvernance des ressources minières, prône la cohérence des activités du secteur avec les dispositifs environnementaux et ceux relatifs à l’aménagement du territoire, tout en insistant sur l’information- éducation-communication, base de tout emplois. L’AVG, en tant que société civile pouvant représenter les citoyens malagasy, notamment les plus vulnérables (6), se doit ainsi de s’approprier la signification profonde de ces deux défis, 1. son « droit » d’être consulté, pris en compte et considéré comme acteur incontournable ; 2. sa « responsabilité » d’interpeller, de mobiliser, de plaidoyer, de proposer, d’anticiper, de dénoncer.
Pendant les trois dernières années, l’AVG a pu interpeller contre l’éventuelle exploitation du pétrole non conventionnel qui, comme nous le savons, pourrait beaucoup nuire au développement humain ; asseoir la responsabilité sociétale des industries extractives chinoises ; développer dans un processus participatif un premier arrêté régional sur la gouvernance minière et instaurer, avec la collaboration du secteur privé, un numéro vert pour interpeller les éventuelles dérives à l’exploitation non rationnelle des ressources naturelles à Madagascar.
Durant sa présentation sur les retombées minières le 23 juin 2014, le Président de l’AVG, Razakamanarina Ndranto a déclaré : « Madagascar risque de subir de plein fouet la malédiction des ressources car l'état de gouvernance actuel (corruption généralisée, consultation publique inappropriée, inexistence de vision concertée pour la gestion durable des ressources naturelles, etc.) ne permet pas d'assurer que les intérêts des Malagasy seront protégés et optimisés. L'implication du public et de la vraie société civile est la clé pour asseoir une bonne gouvernance minière au niveau régional. Investir dans des programmes de participation publique, d’accès à l’information et d’accès au mécanisme de doléance baissera significativement les conflits sociaux et environnementaux à tous les niveaux ».
Razakamanarina Ndranto, Président d’Alliance Voahary Gasy, plateforme de la société civile malagasy pour l’environnement, après une entrevue avec le Commissaire européen au développement, Andris Piebalgs en juin 2014.
Ndranto Razakamanarina est le Président de l'Alliance Voahary Gasy, plateforme de la société civile malgache pour l'environnement, et Holly Rakotondralambo est le Leader de la Commission « Mines et Industries extractives d’AVG (7).
La version anglaise : The Extractive Sector and Environmental Civil Society in Madagascar
Notes
1. Source : Ambassade de France à Madagascar/MINER – DGTIPE 2007
3. béryl: émeraude ; corindon: rubis, saphir ; célestite ; tourmaline ; variétés de quartz ; grenat
4. http://www.midi-madagasikara.mg/economie/2014/05/13/huile-lourde-tsimiroro-vente-test-73-000- barils-marche-local/
5. Parution dans le quotidien MALAZA n° 2880 du 19 juin 2014, section Politique
6. L’on entend par « vulnérable », tout individu affecté par des exploitations des ressources, et qui se trouve dans l’incapacité d’agir, supportant ainsi les lourdes conséquences des décisions prises
7. Voir www.alliancevoaharygasy.mg
Cet article a été publié dans GREAT insights volume 3, numéro 7 (juillet/août 2014)