Les stratégies Sahel en perspective: Troisième conférence des donateurs sur le Mali – Avantages comparatifs ou jungle de coopération internationale ?

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Coordonner les diverses stratégies dans le Sahel permettra aux partenaires et bailleurs de fonds de renforcer leur légitimité en répondant aux menaces complexes de sécurité et de développement dans la région.

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      La conférence des donateurs sur le Mali et la deuxième réunion de la plate-forme de coordination internationale pour le Sahel ont eu lieu cette semaine à Bamako. Des dizaines d’organisations internationales et bailleurs de fonds tentent de mettre en œuvre leurs stratégies Sahel pour répondre aux menaces complexes de sécurité et de développement dans la région.

      Ce premier blog d’une série de quatre, en s’appuyant sur une analyse comparative des documents disponibles sur les stratégies internationales pour le Sahel, vise à identifier les principaux défis à relever pour leur mise en œuvre et, partant, la réalisation de leur objectif principal: améliorer la vie des gens dans la région.

      L’insécurité, la pauvreté, la fragilité, la criminalité organisée et la gouvernance dans les pays du Sahel et de l’Afrique du Nord-Ouest sont souvent analysés comme des phénomènes qui exigent des réponses locales, nationales et régionales. Au cours des dernières décennies, de nombreuses initiatives de coopération internationale et de soutien financier n’ont cessé d’être lancées et mises en oeuvre. Organisations et réseaux de la société civile ont développé leur expérience et leurs pratiques et ont capitalisé sur les avantages du travail pluridisciplinaire et de la coopération régionale.

      Les urgences humanitaires continuent d’être une priorité, malgré des indications que certains réfugiés et déplacés commencent à envisager la possibilité de leur retour. Ces mouvements de populations étaient dus aux conflits qui ont éclaté au Mali en 2012. Ils ont fait suite aux troubles en Libye après l’intervention militaire de l’OTAN en 2011, qui a conduit à un éparpillement des menaces.

      Au cours des dernières années, plusieurs organisations régionales et internationales telles que l’Union européenne, l’Organisation des Nations Unies, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et la CEDEAO, ainsi que des pays comme la France, ont publié leurs stratégies pour le Sahel. L’Union Africaine développe également sa propre stratégie.

      Une stratégie globale perdue dans les sables ?

      Le paysage stratégique du Sahel est devenu encombré de ces approches stratégiques, soulevant des questions sur leur pertinence, leur considération pour les autres approches et leur utilité dans les années à venir, tandis que de grandes quantités d’aide sont annoncées pour la région: notamment 1,5 milliards de USD de la Banque mondiale; de nouveaux projets d’une valeur de près de 4 milliards de dollars ont été annoncés par la BAfD en novembre 2013.

      ECDPM a entrepris une rapide analyse comparative des stratégies existantes en vue de soutenir les efforts diplomatiques dans la région en mettant l’accent sur le lien entre stratégies politiques et pratiques du développement.

      Cette analyse comparative (et nécessairement évolutive) de l’évolution des stratégies internationales pour le Sahel se concentre sur une série de variables clés:

      Champ d’application des stratégies

      La plupart des objectifs primordiaux des stratégies se divisent en trois catégories:

      1 ) Assurer la sécurité et la stabilité

      2 ) Promouvoir le développement (politique et socio- économique ), et / ou

      3 ) Assurer des formes de résilience contre la vulnérabilité. Tout en identifiant des objectifs prioritaires, les stratégies servent aussi de caisses de résonance pour faire entendre, sous un titre unique, ce que chaque organisation est en mesure ou a déjà commencé à entreprendre dans la région.

      La plupart des stratégies Sahel sont multi-disciplinaires, multi-dimensionnelles et holistiques dans leur approche à la suite de consultations avec les pays concernés. Bien que cela puisse être théoriquement rassurant , cela peut aussi créer un risque de dilution des responsabilités et de la reddition de comptes. Le principal défi dans le Sahel sera d’assurer des synergies durables entre toutes les agences d’exécution.

      Le signification géographique du Sahel

      Les stratégies ont tendance à couvrir trois pays prioritaires (Mali, Mauritanie et Niger), mais leurs champs géographiques varient considérablement au fil du temps, de l’océan Atlantique à la mer Rouge (dans le cas de l’Union africaine). À l’exception de la stratégie de l’Union africaine qui comprend l’Algérie et la Libye, un point commun est l’absence relative de cadres fonctionnels et bien identifiés de coopération avec l’Afrique du Nord, dénotant une variété de cartes mentales appliquées à l’espace sahélo-saharien et aux zones sahélo-Ouest africaines. Ceci dit, un environnement  qui demeure volatile dans le nord du Mali demeure l’épicentre de la mobilisation internationale.

      Liens entre stratégies, financement, mise en œuvre et évaluation

      À quelques exceptions près, comme la Banque mondiale, l’UE et la BAfD, la plupart des stratégies jusqu’à février 2014 n’a pas présenté une analyse détaillée des moyens financiers nécessaires pour leur mise en œuvre. En général les documents concernent des fonds déjà engagés et des initiatives en cours ou de programmes potentiels à mettre en œuvre avec l’appui de partenaires financiers. Des plans d’action sont en cours (la Banque africaine de développement a lancé un Fonds d’action Sahel) et l’information mise à jour a été partagée à la plate-forme de coordination de cette semaine à Bamako. Les stratégies mentionnent rarement des mécanismes de suivi et d’évaluation spécifiques fondées sur les leçons tirées des expériences précédentes de la coopération internationale dans la région.

      Coopération, coordination et partage des tâches avec les acteurs sahéliens et internationaux

      Le manque de coordination est souvent citée comme un défi dans plusieurs stratégies, qui à leur tour ont proposé leurs propres mécanismes de coordination. Un risque sérieux d’anarchie dans le soutien international a existé jusqu’en Novembre 2013, lorsque des discussions diplomatiques intenses ont conduit à l’adoption d’une plate-forme de coordination présidée par un pays de la région (Mali jusqu’en 2016) et soutenue par un secrétariat technique conjoint UA-ONU.

      Au début 2014, certains pays et organisations, y compris la CEDEAO et la CEN-SAD, ont mis en place ou proposé d’autres initiatives visant à coordonner les actions dans la région. Une nouvelle initiative est notamment le groupe G5 des Etats du Sahel, lancé en février 2014 et regroupant les chefs d’Etat du Burkina Faso, Tchad, Mali, Mauritanie et Niger sous la présidence de la Mauritanie.

      Compte tenu de la variété des cadres de coordination, le risque de duplication ne peut être exclu. La principale question est de savoir comment les différents mécanismes de coordination construiront leur légitimité au fil du temps. Cette question sera examinée dans les prochains blogs sur les stratégies internationales pour le Sahel.

      Les opinions exprimées ici sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement la position de l’ECDPM.

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