Le ROAC s'engage pour le développement des marchés céréaliers et pour la souveraineté alimentaire en Afrique de l'Ouest

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    Quel est le rôle du Réseau Ouest-Africain des Céréaliers (ROAC) ?


    Le ROAC a été mis sur les fonts baptismaux en 2013 en tant qu’interprofession régionale regroupant les acteurs du secteur des céréales. Les membres du ROAC sont des organisations de producteurs, de commerçants et d’agro-industriels basées dans des pays membres de la CÉDÉAO, notamment le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. La mission du ROAC est de soutenir la croissance des filières céréalières à travers la mise en place d’un environnement favorable au libre échange des céréales au sein de l’Afrique de l’Ouest ; de la promotion d’un commerce structuré ; et de l’amélioration de la compétitivité de ces filières. Le mandat du ROAC concerne en premier lieu les filières du riz, du maïs, du mil et du sorgho. Le droit à une alimentation adéquate, saine et nutritive pour les plus de 300 millions d’habitants que compte l’Afrique de l’Ouest est un enjeu majeur tant pour les pouvoirs publics que pour les acteurs non-étatiques. Ce défi alimentaire a interpellé les fondateurs du ROAC venant des huit pays de l’Afrique de l’Ouest mentionnés ci-dessus qui se sont mobilisés pour répondre à la demande croissante de produits céréaliers. Les céréales constituent la base du régime alimentaire des populations ouest-africaines. La production céréalière est aussi une importante source de revenus dans cette région ayant un taux de pauvreté élevé et où les économies reposent toujours en grande partie sur l’agriculture. Le développement de ces filières et l’accroissement de leur compétitivité peut générer des emplois et améliorer la sécurité alimentaire. Jusqu’à une époque récente, seul le Réseau des Organisations Paysannes et de Producteurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) faisait la promotion du secteur des céréales au niveau régional. Or, le renforcement du système de commerce structuré des produits céréaliers au sein de l’Afrique de l’Ouest doit être un levier essentiel pour atteindre l’Objectif de développement durable no. 2, l’éradication de la faim au niveau mondial en général et en l’Afrique de l’Ouest en particulier. Pour renforcer la capacité des opérateurs économiques pour structurer les filières céréalières, les décideurs politiques ainsi que la communauté des partenaires techniques et financiers qui interviennent dans la région ont soutenu la mise en place du ROAC depuis 2008.

    Quelles sont les tendances dans les filières céréalières en Afrique de l’Ouest ?


    La production céréalière (maïs, mil, sorgho et riz paddy) dans la région est passée de quelques 16 millions de tonnes en 1980 à plus de 58 millions de tonnes en 2010. En moyenne, le rythme annuel d’accroissement des productions agricoles, estimé à environ 4%, est supérieur à celui de la population, estimé à 2,6%. Durant cette période, le volume de la production de maïs a été multiplié par plus de cinq, et celui de riz par trois au cours des trente dernières années. La production céréalière reste dominée par le mil et le sorgho, en dépit de la forte percée du maïs et du riz, qui ont enregistré les meilleures performances. Mais l’augmentation de la production des céréales s’explique principalement par le doublement des surfaces cultivées, alors que les rendements n’ont progressé que de 14%. Malgré cette croissance soutenue de la production, les importations de céréales ont continué à augmenter. Le riz occupe le premier poste des importations de céréales dans la région. Depuis les années 1980 jusqu’à la période 2005-2008, les importations de riz ont été multipliées par plus de quatre. De 1,750,000 tonnes en 1980-1982, les importations de riz sont passées à 2,200,000 tonnes en 1990-1992, puis à 3,870,000 en 2000-2002, pour bondir à près de 8 millions de tonnes en 2008. Au cours des dernières années, les gouvernements ouest-africains ont dû débourser plus d’un milliard et demi de dollars par an pour s’assurer que les importations couvraient les besoins de consommation nationaux de riz. Le commerce intra-régional des produits agroalimentaires, notamment les céréales, a progressé très sensiblement, mais il demeure fortement lié à la conjoncture alimentaire des différents pays. Devenu un vecteur d’intégration régionale et un moyen d’insertion des petits producteurs dans le marché, il est dominé par trois catégories de produits : les céréales (mil, sorgho et maïs) et les animaux sur pied, les deux principaux postes de transactions transfrontalières, suivis par les légumineuses (le niébé notamment). La forte croissante de la demande dans les grandes zones urbaines mais aussi de celle des industries agroalimentaires dans les pays côtiers comme le Nigeria, la Côte d’Ivoire et le Ghana, ont impulsé cette augmentation des flux transfrontaliers. Selon le CILSS, les échanges de produits agricoles, notamment vivriers, constituent entre 80 et 90% du volume et de la valeur des échanges intracommunautaires de la CÉDÉAO.

    Comment les politiques publiques appuient-elles le développement du marché régional des céréales ?


    Les politiques commerciales concernant le secteur agricole ont connu un développement considérable au cours des dix dernières années. Même si l’on peut se préoccuper de l’incohérence entre ces politiques commerciales et les orientations des politiques agricoles, l’Afrique de l’Ouest a mis en chantier des réformes structurelles tant au niveau de l’UEMOA que de la CÉDÉAO. Les liens très forts entre politique agricole et politique commerciale se sont traduits dans la région par un débat intense sur le tarif extérieur commun (TEC) de la CÉDÉAO. Suite à la décision prise en 2006 d’étendre le TEC de l’UEMOA à la CÉDÉAO, les organisations paysannes de la région ont exercé une pression très intense pour que le TEC protège mieux les produits agricoles à caractère stratégique. Disposant initialement de quatre bandes tarifaires (0, 5, 10 et 20%), celui-ci s’est finalement vu adjoindre en 2009 une cinquième bande (35%). La mise en place de ce TEC révisé a toutefois posé des difficultés, les États membres ayant exprimé des priorités sectorielles différentes, ce qui a donné lieu à des désaccords s’agissant de l’harmonisation des droits de douane pour les produits sensibles. La question des droits de douane a également été un élément central des négociations de l’Accord de Partenariat Economique entre l’Afrique de l’Ouest et l’Union européenne. Au-delà du TEC, le Plan Régional d’Investissement Agricole (PRIA) adopté en 2010, dont l’objectif est de mettre en œuvre la Politique Agricole de la CÉDÉAO (ECOWAP), accorde une place centrale au commerce intra-régional. Toutefois le PRIA a été critiqué pour son manque de cohérence avec les politiques agricoles des États membres, l’ensemble des politiques dans la région ayant peu intégré la complémentarité des systèmes de production et les échanges potentiels entre pays de la communauté. Par ailleurs, l’absence de dispositif de suivi de la mise en œuvre de ce plan n’a pas permis aux bénéficiaires d’apprécier à sa juste valeur sa contribution à l’amélioration de la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté dans la région.

    Comment le ROAC agit-il pour développer le secteur céréalier au niveau régional ?


    Les fondateurs du ROAC se sont lancés comme défi d’améliorer durablement la libre circulation des quatre céréales au sein de la région en mobilisant l’ensemble des opérateurs économiques de ces filières. La vision du ROAC est de devenir un interlocuteur privilégié des institutions régionales ainsi que des États membres et de jouer un rôle majeur dans la gouvernance du secteur céréalier et du régime commercial régional. En effet, depuis la crise des prix des denrées alimentaires de 2008, les professionnels du secteur céréalier ont réalisé que le manque de coordination du secteur privé constituait un obstacle à la promotion des filières. Au départ, les projets de l’USAID ATP et E-ATP ont fourni un appui technique et financier à la mise en place du Réseau, en particulier avec des études sur le commerce régional des céréales. L’action du ROAC repose en grande partie sur les interprofessions nationales. Depuis 2009, le Comité Interprofessionnel des Céréales et du niébé du Burkina Faso (CIC-B) a coordonné les efforts visant à poser les fondations du Réseau, notamment l'établissement de points focaux et de comités nationaux provisoires au Bénin, en Côte d'Ivoire, au Ghana, Mali, Togo, Niger et Sénégal. Entre 2009 et 2012, plusieurs associations céréalières ont contribué à ces efforts dans ces pays. Le CIC-B y a conduit des programmes de renforcement des capacités et les points focaux nationaux ont mené des activités de plaidoyer. Après près de quatre années de tractations, le ROAC a été formellement établi à Lomé en mars 2013. Les acteurs des filières céréalières regroupés au sein du ROAC veulent jouer leur partition pour un accroissement durable du commerce au niveau de la région. Les modes de transactions ont peu évolué au cours des vingt dernières années. Si des organisations socioprofessionnelles à la base s’impliquent de plus en plus dans le négoce et le commerce des céréales à travers les interprofessions et les systèmes de stockage et de vente groupée (warrantage et banques céréalières), les échanges régionaux sont toujours dominés par les négociants traditionnels, qui eux aussi s’organisent en réseaux tels le RESEAO. Le plan stratégique du ROAC a été adopté lors de l’Assemblée constitutive de mars 2013. Ce plan comporte quatre axes, à savoir : - faciliter l'accès des acteurs du secteur céréalier à des informations actualisées ; - faciliter l'accès aux marchés régionaux à travers le commerce structuré ; - impliquer les acteurs du secteur céréalier dans la formulation et le plaidoyer pour des politiques en faveur de la croissance du secteur céréalier ; - favoriser et consolider la pérennité institutionnelle du ROAC. Un plan d’action est en cours d’élaboration afin de mettre en œuvre cette stratégie et de mobiliser les ressources nécessaires pour les interventions du ROAC. Depuis l’adoption du plan stratégique et la prise de fonction du Secrétaire Exécutif, le Réseau a commencé à imprimer sa marque dans son environnement institutionnel en s’impliquant fortement dans les débats et les processus concernant les politiques agricoles et alimentaires dans l’espace de l’Afrique de l’Ouest. Récemment le Réseau a participé au processus de révision de l’ECOWAP 10 ans après son lancement qui a abouti à la Conférence Internationale sur l’Agriculture en Afrique de l’Ouest à Dakar en novembre 2015. Le besoin de promouvoir les filières agroalimentaires locales et régionales, au-delà de la production agricole, a été souligné dans les conclusions de l’atelier de travail qui a précédé cette conférence, un message dont le ROAC se veut porteur. À l’heure actuelle, le ROAC s’investit dans un processus de redéfinition et d’harmonisation des normes et autres critères de qualité des céréales, une étape nécessaire pour augmenter la valeur ajoutée de la filière. Il contribue aussi à la mise en place d’un cadre de lutte contre la contamination des céréales par l’aflatoxine. Le commerce régional des produits céréaliers a connu une nette intensification au cours des années 1970, qui furent marquées par des crises alimentaires graves dans le Sahel. Avec l’urbanisation, l’évolution des habitudes alimentaires et la forte pénétration des produits importés de l’extérieure, les bassins de production céréaliers doivent non seulement réaliser des gains de productivité, mais aussi mieux s’intégrer avec les circuits de commercialisation alimentant les zones urbaines. Tous les acteurs de la filière doivent travailler en concert pour répondre aux exigences de qualité des consommateurs et des utilisateurs industriels. L’action du ROAC devra aider à fédérer les efforts de ces acteurs dans ce sens.
    Charles Nouatin, Secrétaire Exécutif du Réseau Ouest-Africain des Céréaliers (ROAC, West African Grain Network). Interviewé par Fabien Tondel de l'ECDPM. Cet article a été écrit exclusivement pour GREAT Insights volume 4, numéro 6 (décembre 2015/janvier 2016). L'article est publié uniquement dans la version en ligne.
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