Extraction de l’or et partage des valeurs : Soutenir le développement et les communautés

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    À n’en pas douter, l’extraction minière conduite de manière responsable est un puissant moteur de croissance durable. Par-delà ses répercussions en cascade sur l’emploi, les moyens d’existence et l’économie nationale, n’oublions pas que de sa pérennité et de sa croissance dépend directement et souvent exclusivement la survie de communautés entières. Mais pour parvenir à cette croissance, tous les acteurs concernés doivent établir entre eux des relations sur le long terme, empreintes de respect mutuel.

    Une exploitation minière doit profiter économiquement et socialement à toutes les parties prenantes. Les travailleurs et la population locale comptent sur une offre d’emplois, de marchés locaux et de projets communautaires. Les autorités régionales et nationales sur des royalties, des impôts et des investissements. Les investisseurs de capitaux sur des intérêts et des retours sur investissements proportionnels à leur prise de risque. Il suffit qu’un de ces acteurs retire son appui à ce type d’opération, pour que toutes les parties prenantes en subissent les conséquences.

    Les gouvernements hôtes apportent les ressources minérales dont ils sont dépositaires au nom de leur peuple ; les compagnies minières apportent des capitaux, un savoir-faire et la valorisation des ressources. Le nombre de parties prenantes s’accroît avec l’identification et le développement du site minier pressenti : les actionnaires et les banques, qui doivent choisir leurs placements ; les communautés, qui détiennent les droits de superficie ou occupent le terrain ; les salariés et leurs syndicats ; les sous-traitants et les fournisseurs. Chacun contribue à la réalisation du projet et en attend un « honnête » retour.

    Principaux apports de l’exploitation aurifère

    L’exploitation aurifère représente généralement une part élevée des investissements étrangers directs dans les pays en développement et une part substantielle des recettes en devises. D’après un récent rapport du World Gold Council (1), l’exploitation aurifère aurait rapporté quelque 78 milliards de dollars en valeur brute ajoutée et représenterait 530 000 emplois directs dans les 15 principaux pays producteurs d’or. L’extraction minière a en outre tendance à créer un grand nombre d’emplois indirects et à avoir d’importants effets multiplicateurs, du fait notamment que la plupart de ses emplois sont bien payés et hautement qualifiés. C’est particulièrement vrai dans les pays en développement.

    Au Ghana et au Pérou, on estime respectivement à 28 et à 19 le nombre d’emplois et de moyens d’existence périphériques créés par chaque poste dans l’industrie minière. En Afrique du Sud, l’industrie minière représente 1,4 million d’emplois directs, indirects ou induits qui, en moyenne, couvrent chacun les besoins de neuf personnes à charge.

    Il ne fait toutefois aucun doute qu’aujourd’hui, la confiance entre les compagnies minières et leurs fournisseurs de capitaux d’une part, et les syndicats, les gouvernements et les citoyens d’autre part est rompue. Que pourraient faire les compagnies minières pour mieux expliquer leur apport socio-économique global et le faire valider par les autres parties prenantes ?

    Impératifs sous-jacents

    L’industrie minière doit impérativement attirer des capitaux pour réaliser cette croissance et exploiter le potentiel de développement et de création de richesses de l’économie minière. Les argentiers de l’industrie minière sont malheureusement frustrés d’avoir vu leurs investissements leur rapporter si peu au fil des ans. La plupart d’entre eux se sont récemment détournés de ce secteur d’activité, le privant d’argent frais et condamnant d’autres gisements de minerai potentiellement viables au sous-développement. La croissance de l’industrie minière stagne. Si nous voulons faire revenir ces argentiers, nous devons leur offrir un excellent retour sur leurs investissements en capitaux à risque.

    Deuxièmement, je tiens pour acquis que les compagnies minières doivent accorder le plus grand soin à la gestion de l’impact environnemental de leur activité. Il est de notre devoir de gérer des ressources comme l’eau en bons intendants, de nous assurer que nos activités  ne nuisent pas aux moyens d’existence d’autrui et de remettre les terres en état après l’arrêt de l’exploitation.

    Troisièmement, les marchés passés par les mines constituent le principal élément de redistribution des profits auprès des communautés et du gouvernement. La chaîne d’approvisionnement minière est parfaitement structurée dans des pays de tradition comme l’Australie, les États-Unis et l’Afrique du Sud. Mais les compagnies minières prenant davantage les devants dans l’appui aux fournisseurs, l’approvisionnement local se retrouve de plus en plus au cœur de la contribution économique des compagnies minières.

    Par ailleurs, les compagnies minières contribuent largement aux infrastructures physiques qui desservent leurs sites. Les mines d’or ont généralement besoin d’un raccordement à l’eau, à l’électricité et à une route. Tous ces réseaux sont de plus en plus construits dans l’optique de profiter à la région ou à la collectivité locale et pas seulement à la mine.

    Enfin, les sociétés d’exploitation aurifère, en concertation avec la société civile, peuvent largement contribuer à améliorer la gouvernance et à soutenir le renforcement des capacités, surtout dans des domaines comme la gestion de l’environnement et la fourniture de services publics. Trop souvent, la mine a bien du mal à améliorer la qualité de vie des communautés riveraines parce qu’elle ne trouve pas de fonctionnaires locaux capables de faire bon usage des recettes. Nous devons donc impérativement travailler avec les autorités locales, afin de développer et de mettre en œuvre conjointement des projets qui utilisent les recettes apportées par l’exploitation minière.

    Population locale et compagnies minières – une cohabitation pas toujours évidente

    Un des principaux défis auxquels doivent faire face les compagnies minières, c’est le « permis social d’exploitation » – c’est-à-dire l’adhésion des populations riveraines. Bien que les conséquences d’un « refus » de permis social d’exploitation ne soient pas toujours dramatiques, elles peuvent se traduire par de graves perturbations dans l’activité voire, au final, par l’échec du projet. Les exemples abondent à travers le monde et ces dernières années ont été témoin d’une recrudescence significative des conflits entre les mineurs et les communautés locales (voyez le graphique de l’ICMM). Au Pérou, le projet Conga, d’une valeur de 5 milliards de dollars, a été bloqué durant des années par le militantisme de la population locale.

    Comme indiqué précédemment, les sociétés d’exploitation minière apportent souvent d’importantes contributions au gouvernement national sous la forme de taxes, d’impôts et de royalties. Il est vrai, cependant, que cette manne ne « revient » pas forcément vers les populations hôtes qui escomptaient profiter des revenus engendrés par les mines toutes proches via l’amélioration des infrastructures et des services publics. C’est le cas lorsque les rentes minières sont affectées à un pot fiscal central qui finance les dépenses générales du gouvernement ou lorsque la faiblesse de la gouvernance se traduit par une gestion fiscale opaque et/ou inefficace.

    Il s’ensuit les populations hôtes ne voient pas toujours la couleur des millions de dollars injectés par les compagnies minières dans l’économie nationale. Bien que l’on puisse en imputer la responsabilité au gouvernement national, ce sont, au final, les compagnies minières qui en subissent les conséquences. Peu importe, en effet, le soutien apporté par le gouvernement central à l’exploitation minière, celle-ci peut se heurter à une forte opposition au plan régional ou local.

    Dans les faits, l’extraction minière est, par nature, une activité économique à fort impact. L’essence même de cette activité fait que l’ouverture d’une exploitation minière aura toujours des répercussions sur la population locale, pour le meilleur ou pour le pire. Citons, entre autres, la perturbation du terrain, les changements apportés à la qualité et à la disponibilité de l’eau, la création d’infrastructures auxiliaires, l’arrivée de travailleurs et de migrants, la promotion de l’activité économique locale, etc. Bien qu’un exploitant responsable soit en mesure d’éviter et/ou d’atténuer ces effets, la sensibilité latente du milieu dans lequel se situe l’exploitation engendra sans doute une forme d’opposition locale en raison des effets négatifs réels ou perçus.

    Cette sensibilité de la population aux effets réels ou perçus de l’activité minière se nourrit par ailleurs d’un accès et d’un partage renforcés des informations au plan local, du militantisme et du travail de sensibilisation des ONG nationales et internationales de même que de la politisation de nombreuses questions liées à l’extraction minière.

    La finalité de l’exploitation minière sera toujours d’extraire un minerai qui n’est pas infini et dont on attribue généralement la propriété à la population qui l’entoure, quoi qu’en dise le cadre juridique national. Il s’ensuit que la population locale attend de la compagnie minière non seulement qu’elle gère les nuisances sociales et environnementales de son activité, mais qu’elle s’emploie activement à améliorer le sort de la population, au titre d’un contrat social (généralement) non-écrit. Dans de nombreux pays, en effet, le consentement de la population locale est désormais devenu un passage obligé de la procédure d’octroi d’une licence d’exploitation par le régulateur.

    La population sait qu’elle n’aura qu’une seule occasion de profiter de l’exploitation de minerais qui finiront par s’épuiser, provoquant le départ des compagnies minières vers d’autres horizons prometteurs. Elle accentue par conséquent sa pression sur les opérateurs miniers pour qu’ils améliorent non seulement le sort de la communauté à court terme, mais qu’ils convertissent des ressources minérales finies en un héritage positif et durable dont la population locale continuera de bénéficier bien après la fermeture de la mine. L’histoire nous apprend malheureusement que de nombreuses compagnies minières n’ont pas rempli cette mission, d’où le cynisme et la défiance.

    Établir un climat de confiance sur la base de valeurs communes

    Bien que les sites actuellement exploités par Gold Fields ne se heurtent à aucune opposition physique des populations locales, nous ne versons pas dans l’autosatisfaction. Obtenir et garder une licence d’exploitation exige énormément de temps, d’efforts et de ressources, et est très difficile à récupérer une fois perdue. Notre capacité à développer Gold Fields par l’expansion des sites miniers existants et par le développement de nouveaux projets sera, dans une certaine mesure, fonction de notre faculté à gagner la confiance des populations riveraines des zones qui nous intéressent.

    Il est par conséquent essentiel que nous traitions les populations qui nous accueillent avec respect, que nous minimisions les nuisances de notre activité et que nous procurions des avantages tangibles et permanents. Les ressources dont nous disposons pour procurer des avantages aux populations qui nous accueillent sont, toutefois, de plus en plus limitées.

    Ceci s’explique par notre reconversion en compagnie minière plus petite, de moyenne envergure, et la baisse du prix de l’or.

    Nous sommes parfaitement conscients du fait que, mal gérée, cette évolution pourrait nuire à nos relations avec les populations locales, que ce soit à Cerro Corona au Pérou, à South Deep en Afrique du Sud, à Tarkwa et Damang au Ghana ou dans les lieux que nous prospectons.

    Nous avons par conséquent adopté une démarche axée sur des valeurs communes pour promouvoir le développement communautaire. Cette démarche repose sur la mise en œuvre de stratégies d’entreprise qui ne procurent pas que des avantages commerciaux et opérationnels à notre compagnie, mais qui profitent également et en même temps à la population qui nous accueille. Notre démarche se décline en trois points :

    • Privilégier le recrutement local : Bien que nous recrutions traditionnellement nos travailleurs parmi les nationaux (ou, en Afrique du Sud, parmi la population défavorisée) des pays où nous opérons, cette pratique ne renforce pas nécessairement la licence sociale d’exploitation minière. Nous voulons à présent consolider nos efforts en recrutant spécifiquement parmi la communauté d’accueil. Ce sera probablement le point le plus important à traiter pour améliorer significativement chaque licence sociale d’exploitation minière, à peu ou sans frais supplémentaire.
    • Privilégier l’approvisionnement local : Nous avons également pour habitude de nous approvisionner auprès de sociétés établies dans les pays où nous opérons. À la vérité, bien peu de ces entreprises se situent dans – ou emploient du personnel venant de – nos zones d’exploitation. Une fois encore, nos mines vont consolider la démarche existante en augmentant de manière significative leur approvisionnement en produits et services auprès des communautés d’accueil. Compte tenu des capacités locales, nous devrons certainement (1) soutenir des formations et le développement d’entreprises locales et (2) inciter les fournisseurs que nous avons déjà dans ces pays à ouvrir des sites – et à engager du personnel – dans les communautés d’accueil.
    • Assurer l’approvisionnement en eau : L’eau est une préoccupation majeure et redondante des communautés riveraines. Bien que nous appliquions déjà des systèmes de gestion rigoureux pour veiller à la qualité des eaux résiduaires et minimiser notre consommation en eau, il y a toujours moyen de faire mieux. Nous allons par conséquent trouver des systèmes qui non seulement soutiennent l’approvisionnement en eau de nos mines, mais qui, lorsque le coût reste abordable, augmentent l’approvisionnement en eau propre de la population locale.

    Au travers de cette démarche, nous cherchons à conserver mais aussi à améliorer notre licence sociale d’exploitation en liant la destinée des communautés qui nous accueillent à celle de nos activités et en apportant la preuve que ce ne sont pas les sommes allouées à l’investissement social qui comptent, mais l’impact obtenu en termes de création de valeur pour la population locale.

    Nous comptons également prouver aux riverains de nos actuels et futurs projets de croissance que nous sommes la compagnie minière idéale pour un partenariat qui les aidera à bénéficier constamment et durablement de la valeur partagée des ressources minières locales.

     

    Conflits communautaires liés à l’exploitation minière dans le monde, en nombre d’incidents (Source : ICMM)

     

    Nick Holland est PDG de la société sud-africaine Gold Fields.

     

    Note

    1. Voyez http://www.gold.org 

    Cet article a été publié dans GREAT insights volume 3, numéro 7 (juillet/août 2014) 

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